5. Les principes de base
Les cinq principes de base du programme éducatif découlent des fondements théoriques. Ils sont mis en œuvre au regard des dimensions de la qualité éducative et à l’aide du processus de l’intervention éducative.
Ces principes sont d’égale importance. Le premier principe porte sur la relation de partenariat entre la garderie et les parents de l’enfant. Les quatre autres sont liés plus précisément aux modes d’apprentissage et au développement pendant la petite enfance.
1 – Le partenariat entre la garderie et les parents est essentiel au développement Harmonieux de l’enfant
2 – Chaque enfant est unique
3- L’enfant est l’acteur principal de son développement
4 – L’enfant apprend par le jeu
5 – Le développement de l’enfant est un processus global et intégré
1 – Le partenariat entre la garderie et les parents est essentiel au développement Harmonieux de l’enfant
Pour lui conférer toute son importance, le partenariat entre la garderie et les parents ouvre ce chapitre qui présente les principes de base du programme éducatif. En effet, les autres principes nécessitent la contribution précieuse des parents pour être appliqués à leur pleine mesure.
« Le partenariat se définit par le travail conjoint du professionnel et de la famille, afin d’atteindre des objectifs communs. Les relations reposent sur les responsabilités, les prises de décision partagées, la confiance mutuelle et le respect. La confiance nécessaire à l’établissement d’une telle relation se construit graduellement, avec le temps. Selon plusieurs recherches, la relation de partenariat établie entre la garderie et les parents a des effets positifs sur ces derniers, sur le personnel éducateur de même que sur l’enfant.
Le père et la mère laissent avec confiance leur enfant aux soins d’une personne extérieure à la famille s’ils la considèrent comme leur partenaire privilégiée dans son éducation. Invités à donner de l’information sur leur enfant, les parents font connaître, par exemple, ce qu’il est déjà comme personne, ce qui a de l’importance pour lui, ce qui le réconforte, ce qu’il aime, ce qui lui fait peur et l’insécurise. Graduellement, à mesure que leur confiance envers le personnel et les gestionnaires se construit, ils pourront accepter de décrire les rituels qui ponctuent la vie familiale et les événements qui y sont vécus, ce qui contribue à la mise en œuvre, a la garderie, d’interventions individualisées bien adaptées à l’enfant.
Une relation constructive et positive, établie par le personnel éducateur avec les parents, soutient donc leurs interventions auprès de l’enfant, ce qui augmente leur sentiment de compétence et leur satisfaction au travail. Leurs échanges permettent à chacun de raffiner ses connaissances du fonctionnement de l’enfant en dehors de sa présence, ce qui facilite la continuité des interventions effectuées auprès de lui.
Pour des enfants qui bénéficient d’approches spécifiques de communication, le partenariat entre la garderie et les parents contribue à assurer la cohérence des méthodes employées auprès de l’enfant, renforçant ainsi ses acquisitions et facilitant la communication de chacun avec lui.
La réponse aux besoins du jeune enfant donnée à la garderie est enrichie par la contribution des parents. Le partenariat aide l’enfant à se sentir en sécurité avec les adultes responsables de lui à la garderie en l’absence de ses parents. Il offre à l’enfant un environnement affectif propice aux apprentissages et un modèle sain de relation entre les personnes.
2 – Chaque enfant est unique
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, le développement global s’accomplit selon des séquences sensiblement communes que les enfants parcourent à un rythme individuel. Nous avons également vu, dans la section portant sur l’approche écologique, que chaque enfant présente des caractéristiques qui relèvent de facteurs héréditaires ou génétiques (sexe, taille, etc.), tandis que d’autres découlent de facteurs liés à l’environnement (conditions économiques, culturelles, éducatives, sociales ou autres). Chaque enfant est donc un être unique en raison de cette combinaison singulière des facteurs héréditaires et des facteurs environnementaux qui façonnent son développement.
Appliquer le principe « Chaque enfant est unique » dans ses interventions, c’est chercher à comprendre la réalité de chacun des enfants du groupe en respectant ses différences et ses particularités individuelles et familiales. C’est accompagner ses avancées en s’appuyant sur sa curiosité naturelle pour l’amener plus loin. C’est respecter son rythme de développement pour faire en sorte qu’il explore et expérimente en profondeur ce qui suscite son intérêt. C’est faire preuve d’un intérêt authentique pour sa personne, son milieu de vie et ses goûts. C’est interagir avec elle ou lui sans égard aux stéréotypes attribués à son genre, à son apparence ou à son origine culturelle, et les déconstruire lorsqu’ils sont évoqués dans le groupe d’enfants, en relevant, notamment, leur iniquité. C’est également lui offrir de vivre de nouvelles expériences afin de nourrir sa curiosité et d’élargir ses champs d’intérêt. Ce faisant, les adultes qui en ont la responsabilité au SGEE lui permettent d’acquérir la sécurité affective et lui offrent l’accompagnement dont il a besoin pour se développer.
A la garderie, on ne s’attend pas à ce que tous les enfants fassent toujours la même chose en même temps. Le processus de l’intervention éducative propose les moyens nécessaires pour mettre en œuvre un accompagnement individualisé de chaque enfant, à l’intérieur d’un groupe. La communication régulière avec les parents constitue un moyen de premier ordre pour intervenir auprès de l’enfant à partir d’intentions éducatives adaptées à chacun et chacune.
Il est important de voir aussi en l’enfant qui présente des besoins particuliers, une déficience ou un handicap, un être unique, comme tous les autres enfants. Les lieux, le matériel et les interventions peuvent être adaptés à ses besoins particuliers. Les interactions avec ses parents sont généralement plus soutenues, particulièrement pendant la période au cours de laquelle des ajustements sont apportés. L’application de ce principe de base conduit ainsi à tenir compte de l’enfant ayant des besoins particuliers au même titre que de chaque enfant du groupe.
Appliquer ce principe de base quotidiennement dans la garderie pourrait sembler irréaliste à celles et ceux qui proposent et animent une grande part des activités vécues par les enfants ou qui privilégient les activités clés en main présentées dans de nombreux ouvrages ou sites Web. L’adoption d’une approche cohérente avec ce programme éducatif conduit surtout à planifier l’accompagnement des enfants à partir de l’analyse des observations de chacun d’eux, réalisées tour à tour et selon un horaire souple qui s’adapte aux besoins des enfants et du groupe, lesquels émergent au jour le jour. Ce principe doit également guider la production du dossier éducatif de l’enfant.
Ce dossier doit être complété en tenant compte du rythme de chacun des enfants et en évitant les comparaisons entre ceux-ci.
3- L’enfant est l’acteur principal de son développement
Le jeune enfant est unique et la majorité de ses apprentissages découlent d’une aptitude naturelle et d’une motivation intrinsèque à se développer. L’enfant apprend dans l’action, par l’exploration, l’interaction, l’observation, l’imitation et l’écoute : sa pensée se structure à partir de ce qu’il ressent, voit, entend, touche, sent et goûte. Grandir et se développer est donc une démarche essentiellement active dont l’enfant est l’acteur principal.
Le terme « principal » laisse entendre que, s’il appartient à l’enfant lui-même de donner la direction de ses apprentissages, d’autres acteurs, ses parents et les adultes qui interviennent auprès de lui à la garderie, notamment, sont étroitement impliqués dans son développement. En effet, l’apprentissage et le développement de l’enfant découlent avant tout d’une expérience sociale qui comporte des interactions riches de sens entre les enfants et les adultes, et entre les enfants eux-mêmes.
Si l’on évite de structurer chaque minute de la journée, les enfants nous surprennent par leur utilisation créative du nouveau matériel mis à leur disposition. Leur capacité d’apprendre par eux-mêmes à partir de leurs initiatives donne d’ailleurs lieu à une vaste gamme d’apprentissages. Lorsque des séquences d’activités sont déterminées à l’avance par l’adulte, par exemple selon les capacités généralement attribuées au groupe d’âge des enfants, mais sans égard à leur rythme individuel, à leurs champs d’intérêt et à leur unicité, les jeunes enfants réaliseraient moins d’apprentissages.
Comme nous l’avons vu dans les fondements théoriques de ce programme, l’intervention de style démocratique permet de donner autant de place que possible aux choix et aux décisions des enfants. Dans un contexte favorable à leur apprentissage actif, ces derniers amorcent des jeux à partir de leurs champs d’intérêt, choisissent du matériel et décident de son utilisation, l’explorent avec tous leurs sens, le transforment et le combinent à leur manière tout en parlant entre eux (ou en communiquant de façon non verbale).
Le personnel éducateur accompagne les enfants dans leurs apprentissages sans leur dire quoi faire ou comment le faire. Ils les encouragent plutôt dans leurs propres initiatives et découvertes afin de garder intacte leur motivation naturelle et de nourrir leur plaisir d’apprendre, tout en saisissant les occasions d’apprentissage à mesure qu’elles surviennent. En effet, les adultes observent les enfants, planifient des expériences à leur faire vivre à partir des thèmes abordés dans leurs jeux, pour le prolonger et le complexifier. Ils interagissent avec eux avec discernement pour éviter de les détourner d’une activité qui fonctionne bien, mais pour les aider lorsqu’ils en ont besoin. Le personnel éducateur mette à la disposition des enfants du matériel varié et attrayant, organisent le déroulement de la journée et aménagent l’espace pour répondre à leurs besoins. À l’occasion, ils ou elles proposent également des expériences qui offrent aux enfants la possibilité de faire des choix et qui contribuent à enrichir les apprentissages de ceux-ci.
Considérer l’enfant comme l’acteur principal de son développement exige toutefois une planification souple et ouverte ainsi qu’une certaine tolérance à l’ambiguïté, puisque cela implique de s’adapter constamment aux besoins changeants des jeunes enfants.
Les expériences qui conduisent les enfants à planifier leurs jeux, à passer à l’action et à faire un retour sur leur expérience, comme le jeu en atelier libre, contribuent beaucoup à faire de chaque enfant l’acteur principal de son développement. En ces occasions, c’est de façon explicite qu’ils endossent la responsabilité de leurs apprentissages
4 – L’enfant apprend par le jeu
Au cours de l’enfance, le jeu et l’apprentissage sont intimement liés : le jeu permet à l’enfant d’apprendre et exige des efforts de sa part. Bien que très sérieux pour elle ou lui, le jeu se réalise dans un climat enjoué dans lequel la spontanéité, le plaisir, le rire, les taquineries, l’espièglerie et la créativité sont encouragés. Certains chercheurs croient que c’est peut-être pour avoir le temps de jouer que la période prolongée de l’enfance existe chez l’être humain. Les enfants sont hautement motivés par le jeu parce qu’ils y prennent généralement plaisir, ce qui lui confère un pouvoir particulier pour soutenir leurs apprentissages et leur développement.
Le jeu est une « activité physique, mentale ou sociale, basée sur le plaisir, pratiquée par l’enfant d’une manière gratuite, volontaire, spontanée et libre». Pour le jeune enfant, c’est le moyen par excellence d’explorer le monde, de le comprendre, de l’imaginer, de le modifier et de le maîtriser.la capacité naturelle que l’enfant a de jouer en explorant le monde qui l’entoure est intiment liée aux soins qui lui sont donnés et à sa sécurité affective ainsi qu’au processus de l’attachement. « L’enfant est disposé à jouer lorsque ses besoins physiologiques et émotionnels sont comblés.
5 – Le développement de l’enfant est un processus global et intégré
Le développement du jeune enfant est global. C’est un processus qui se déroule dans chacun des domaines en même temps (physique et moteur, cognitif, langagier, social et affectif), domaines qui s’influencent les uns les autres. Selon les champs d’intérêt de l’enfant, les activités auxquelles il s’adonne et l’environnement dans lequel il grandit, ces domaines interviennent toutefois à des degrés divers dans son développement.
Chaque expérience vécue, par sa richesse notamment, a le potentiel d’amener les jeunes enfants à la découverte de perceptions sensorielles, de façons de se mouvoir, de sentiments, d’interactions, de questions, de réflexions, de nouveaux moyens de s’exprimer et qui méritent d’être explorés. « En réalité, tous nous vivons globalement et chaque situation de notre vie affecte notre développement. Seulement, avec la maturation du système biologique et avec l’apprentissage […] nous avons la capacité de mobiliser notre attention sur des tâches qui exigent plus [sur un plan ou l’autre] de notre personne. »
Le développement physique et moteur de l’enfant l’amène à être de plus en plus habile à explorer son environnement, et cette exploration nourrit son développement cognitif, notamment en le familiarisant avec les caractéristiques des objets. Le développement cognitif est soutenu par les personnes de son entourage, adultes ou enfants plus expérimentés, qui l’aident dans ses découvertes et agissent comme modèles. Le développement cognitif de l’enfant repose ainsi sur ses interactions sociales, mais également sur son développement affectif (sentiment de sécurité, confiance, estime de soi, etc.) qui le dispose à aller à la rencontre de son environnement physique et humain. Son développement langagier facilite sa communication avec les autres et lui offre des outils de plus en plus élaborés pour réfléchir et raisonner. Ainsi, la compréhension du sens des termes « pareil » et « différent », par exemple, ouvre la porte à toute une gamme de comparaisons entre les objets (grosseur, forme, couleur, etc.). À travers un processus global et intégré, chaque domaine contribue au développement du jeune enfant.
Dans le même esprit, la connaissance que l’enfant a des caractéristiques de son environnement en ce qui a trait à l’espace se construit à partir de son corps qui l’informe, par exemple, à travers sa vue et ses mouvements, de la distance à parcourir pour s’emparer d’un jouet. Le concept de distance lui-même est appréhendé à travers son développement cognitif alors que les mots liés à ce concept (loin, proche) amènent des apprentissages dans le domaine langagier.
Il est essentiel de comprendre l’importance de l’interaction entre les domaines de développement, mais également de connaître les composantes de chacun des domaines pour fournir aux enfants les occasions, le matériel et l’accompagnement nécessaires pour soutenir leur développement global.